Edito 153 : Le travail, c’est de l’argent !
Le taylorisme reposait sur l’idée que le temps était de l’argent, Autrement dit, que le temps passé sur son outil de travail générait une production quantifiable et que cette production apportait des gains quantifiables pour l’entreprise. Chacun contribuait à ces gains à hauteur de sa place dans la hiérarchie dans l’entreprise. L’ingénieur produit plus de gains que le technicien puisqu’un ingénieur dirige un certain nombre de techniciens. Le technicien produit plus de gains que l’ouvrier puisque le technicien indique les tâches devant être effectuées par un certain nombre d’ouvriers. Voilà un modèle qui peut encore fonctionner dans certaines industries, mais qui s’est heurté à la mécanisation et à la robotisation.
Les contradicteurs de la réforme des retraites ont mis en avant des études sur l’efficacité d’un travailleur. Depuis 50 ans, un travailleur de base a considérablement amplifié sa contribution à la production de richesses. Et pourtant le temps de travail qu’on exige de lui augmente. Certes de deux ans dans la récente réforme, mais de quel apport dans cette production de richesse ? Deux ans, il y a quinze ans déjà et encore deux ans maintenant. Certes, les deux ans sur 40 ans de carrière sont-ils proportionnellement plus importants maintenant que les deux ans sur 44 ans, comme le demande la réforme de 2023. Mais en terme de productivité, avec les évolutions technologique, quelle est la réelle importance de ces deux années supplémentaires ?
La pénibilité du travail revient dans ce débat sur l’allongement de la durée de cotisation. Mais quel travail n’est pas pénible ? Certains le sont plus que d’autres : les travaux qui demandent une force physique. Quelle est la pénibilité du métier de professeur ? Probablement que celui dans le premier degré est plus harassant que celui dans le secondaire ; lui-même plus fatigant que celui dans le supérieur. Mais pour quel apport ? Un étudiant sorti de l’enseignement supérieur apporte peut-être plus de richesse (il est plus âgé et a le droit de travailler) qu’un écolier qui entre en sixième.
Ces calculs d’apothicaire sont-ils des outils pour truquer les débats ?
Comment imaginer que mon travail puisse être isolé de l’avancée d’une communauté de biens et d’esprits ? Certains sont plus productifs que d’autres : tant mieux ! Mais sont-ils plus qualitatifs ? En termes de richesse, faut-il que cela soit beaucoup ou faut-il que cela soit meilleur ? Et meilleur pour qui ? Pour quoi ? Ai-je fourni suffisamment à la communauté pour en profiter suffisamment ? En ai-je trop donné ? En ai-je eu assez ? Avec beaucoup d’eau dans la soupe, il y en a pour tout le monde, mais n’est-elle pas meilleure s’il y a plus de légumes ? Vais-je avoir une plus grosse quantité si j’ai apporté plus d’ingrédients ? Pourquoi ne pas profiter de ce que les autres ont jeté dans la marmite pour me gaver ?
La question posée en 2014 au séminaire régional de l’APMEP Lorraine était : « Pourquoi adhérer à l’APMEP ? » Je ne sais pas si j’ai trouvé une réponse depuis. Mais, je pense qu’y adhérer, c’est recevoir plus qu’on a donné : en mettant quelques carottes dans la casserole, on reçoit une belle assiette de soupe.