Edito 149 : Plus de maths
Article mis en ligne le 23 juin 2022

par Gilles WAEHREN

Plus de maths

Notre ministre a récemment admis que la réforme du lycée qu’il a menée, pouvait manquer de mathématiques et qu’il pensait renforcer leur place dans le tronc commun. Bien entendu, il n’est pas question d’y replacer un enseignement de mathématiques, même de deux petites heures, mais d’accentuer l’aspect mathématique que contient le programme de l’enseignement scientifique. Peut-être que réintroduire une matière souvent décriée n’était guère habile en période électorale. Au nom de quoi est-elle devenue optionnelle, déjà en 2010, pour les Premières L ? Trop difficile ? Peu utile ?

Les raisons qui font qu’une discipline autrefois majoritaire vienne à s’effacer progressivement des politiques d’éducation, nécessitent des recherches que je n’ai pas faites. On peut cependant songer au latin qui, d’enseignement d’excellence, a quasiment disparu, parfois au profit des mathématiques. Est-ce le sens de l’histoire qu’après avoir occupé une position presque hégémonique, un contenu d’étude connaisse un déclin inexorable ? Jean-Michel Blanquer prend-il un malin plaisir à écouter le chant du cygne de notre matière en moquant ses derniers soubresauts : le nouveau programme de spécialité est « beaucoup plus exigeant, certains s’en plaignent d’ailleurs. » N’en déplaise à certains. A-t-il souffert les mêmes affres que certains élèves en difficultés ? Pense-t-il avoir réussi à gagner sa place malgré les mathématiques ? Les profs de maths de l’ESSEC l’ont-ils incommodé quand il était directeur ? Ou, s’imagine-t-il, comme certains économistes, qu’on peut gouverner un pays en ayant été « nul en maths » ? En tout cas, les écueils que rencontrent beaucoup de journalistes, dont notre rubrique Maths et Médias se fait souvent l’écho, montrent la nécessité de soutenir cet enseignement, afin d’éviter les « virages à 360 degrés » ; autrement dit, les tête-à-queue.

Le ministre de l’éducation nationale, lui, donne souvent l’impression d’être attaché à une fonction utilitariste de l’école où le plaisir d’apprendre vient peut-être dans la durée ; ou pas du tout, mais cela n’a guère d’importance. Les dernières orientations des programmes vers un apprentissage plus efficace et moins coûteux semblent le confirmer. À coup de méthodes toutes faites, à base de neurosciences, d’habiles réductions de budget, on a compris qu’il tenait à ce que l’argent des impôts, investi dans l’éducation, serve à quelque chose.

L’APMEP a lancé une grande réflexion sur l’enseignement des mathématiques au vingt-et-unième siècle. Chacun d’entre nous est convaincu de l’importance d’une telle question et surtout de l’importance de notre rôle de profs de maths dans la société. Mais cette réflexion doit surtout nous interroger sur la place des mathématiques dans la formation de nos élèves. Quand on pense à former des citoyens, ce n’est pas juste en distillant un ensemble de connaissances de mathématiques qui s’évaporeront bien vite. Il s’agit d’abord d’enseigner des méthodes de recherches, de construire un esprit critique des résultats, d’apprendre l’humilité devant l’erreur, de solliciter leur créativité. Être citoyen ne se limite pas à aller voter et payer ses impôts, c’est aussi être le mieux à même de déployer son potentiel au profit de la société.

Tout le monde s’accorde pour dire qu’il est bon d’avoir des connaissances dans beaucoup de domaines et chaque groupe d’experts se bat pour que son champs de connaissances soit le mieux représenter dans les programmes scolaires. Ainsi a-t-on vu se multiplier de nouvelles offres d’enseignement, permettant à chaque élève de se retrouver, de temps en temps, en phase avec ce qu’il apprend. On ne peut qu’encourager leur curiosité. Peut-être le buffet est-il trop garni de denrées alléchantes. Quels sont les fondamentaux sur lesquels nous devrions accentuer nos efforts de formation ?

Renforcer la place des mathématiques suppose de repenser notre modèle éducatif en formant plus de professeurs de mathématiques, ce qui suppose de mieux former les élèves qui peuvent embrasser cette carrière et donc d’inverser la spirale dans laquelle s’est engagée notre discipline. La revalorisation professionnelle du métier d’enseignant ne peut pas se contenter d’un saupoudrage de quelques milliards d’euros vite et mal dépensés. Elle entend de se poser, toujours et sans cesse, la question d’un enseignement juste, avec des moyens de gestion adaptés à un secteur d’activité qui ne peut pas se gérer comme une entreprise automobile. Les acteurs du monde éducatif – pas seulement les professeurs – sont dépositaires d’une responsabilité sur l’avenir des enfants qui les empêchent de se considérer comme les rouages d’une énorme machine, comme les organes d’un trop gros mammouth.

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