Edito 146 : Une nécessaire adaptation ?
Article mis en ligne le 16 juin 2021

par Gilles WAEHREN

Ce deuxième confinement de toutes les classes du Primaire et du Secondaire a malheureusement démontré que, si les professeurs avaient fourbi leurs armes pour une nouvelle épreuve de l’enseignement à distance, l’institution, elle, n’était pas vraiment prête. Non pas tant sur le plan organisationnel, que le monde entier envie à notre administration, que sur le plan technique pour lequel les moyens ont à nouveau été sous-dimensionnés. Les Mosellans se rappelleront, avec une larme à l’œil, l’épisode du client léger : une bonne idée très mal mise en œuvre. Après le centralisme démocratique, la France a inventé le centralisme numérique, dans une société où on découvre, comme dans nos classes, que la différenciation en termes d’usage de l’informatique est essentielle.
De nombreux établissements ont mené, ou sont en train de mener, une réflexion sur l’uniformisation des pratiques des mise à disposition du travail à distance. Il est sûr que parents et élèves sont quelque peu perdus dans une telle diversité des approches : tel collègue utilise exclusivement le cahier de textes en ligne, tel autre met tous ses documents sur l’ENT, tel autre fonctionne uniquement avec Moodle. Assez convaincu que ce dernier procédé est le mieux adapté, je pense souvent que le meilleur outil est celui dont on arrive le mieux à se servir. Pour ceux qui ont lu mes précédents éditos, vous connaissez mon sentiment profond : pour qui ne s’y est pas intéressé par goût personnel, en autodidacte, l’apprentissage de l’informatique est le parent pauvre de la formation. L’illusion de son apparente facilité continue d’être la source de conflits rentrés entre professeurs et élèves, professeurs et administration.
On entend aussi que cette auto-formation, imposée par les événements et tant attendue par le ministère, a bouleversé les pratiques des enseignants, qui vont désormais changer leurs méthodes. Mais la situation est exceptionnelle. Nombre d’entre nous, comme l’ensemble de la population française, attendent que cette vie inhabituelle prenne fin pour continuer à faire comme avant. Je ne sais pas vraiment si cela sera possible – cela dit entre nous. Que l’enseignant va-t-il conserver de ce fonctionnement de confinement ? L’utilisation des classes virtuelles ? Je pense que tout le monde a compris que le rêve de certains élus de remplacer les professeurs par des écrans a enfin été réalisé et a vite tourné au cauchemar. Le lien social avec l’élève, avec la classe, est aussi important que le contenu de cours qu’on voudrait mettre sur un piédestal. Ce lien ne peut se tisser qu’en présentiel : le théâtre à la télévision n’a pas la même saveur que dans la salle de spectacle.
Certains d’entre nous conserveront l’habitude de mettre les contenus de cours en ligne. Peut-être le faisaient-ils bien avant 2020. Pour le pratiquer depuis de longues années, je peux affirmer que peu d’élèves utilisent Internet pour retrouver un cours de mathématiques. On peut croire que c’est une habitude scolaire qui va changer chez les élèves, si leurs professeurs s’y mettent.
Voilà mes réflexions pour le côté outillage. Pour le fonctionnement pédagogique, ce changement des us a été, certes, radical et va entraîner des modifications profondes, mais à long terme. Comment mieux accompagner mes élèves et les rendre en même temps plus autonomes ? Comment tenir compte de leur diversité intellectuelle ? Comment les évaluer pour qu’ils progressent ? Comment être bienveillant sans être protecteur ? Ces questions ne datent pas du confinement, mais elles nous touchent davantage aujourd’hui. Les réponses restent personnelles, mais le collectif collégial permettra sûrement d’en débattre et d’ouvrir des pistes.
Beaucoup de problématiques dans les cours à distance sont très spécifiques aux disciplines : écrire des formules mathématiques, expliquer une manipulation en TP, pratiquer l’oral en langues. Cependant, les échanges en salle des profs montrent aussi des besoins transdisciplinaires. Si cette période difficile pouvait modifier nos habitudes, ce serait en renforçant la cohésion pédagogique dans les établissements par le partage et l’échange, en dehors des cadres formalisés.

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