Vu sur la toile 144 : Les formes mathématiques dans la nature
Article mis en ligne le 28 juin 2022

par Gilles WAEHREN

La collection « Le monde est mathématique » proposée par le quotidien Le Monde (puis par l’Obs) et cautionnée par Cédric Villani (puis par Etienne Ghys) comporte 40 volumes souvent passionnants (le lien vers le site marchand n’est pas proposé ici). Le numéro 38 jette un pont entre les mathématiques et les sciences de la vie. De la phyllotaxie à l’hypothèse Gaïa (lien Wikipédia), on découvre tous les modèles mathématiques que biologistes, zoologistes, géologues ont expérimenté pour formaliser le monde qui nous entoure. Nous nous intéresserons ici plus particulièrement aux ressources que comporte la toile concernant la phyllotaxie, la morphogenèse, les automates cellulaires et les biomorphes. Il faut noter que, devant l’émerveillement suscité par certaines constructions abstraites, en particulier les fractales ou les biomorphes, quelques auteurs n’hésitent pas à verser dans certaines élucubrations ésotériques assez discutables. Il n’en subsiste pas moins que les contenus méritent d’être présentés à nos élèves.

La phyllotaxie (partie de la botanique consacrée à l’arrangement des feuilles d’un végétal) est un sujet que l’on retrouvait régulièrement dans les TPE de Première (voire de Terminale) Scientifique. C’est justement un site d’élèves qui nous présente le mieux la dimension mathématique de ce sujet. L’AMAP (botAnique et Modélisation de l’Architecture des Plantes et des végétations) est une Unité Mixte de Recherche qui regroupe cinq tutelles scientifiques qui se préoccupent de fusionner botanique et mathématiques (pour résumer). Les pages de son site contiennent une section dédiée à l’architecture végétale avec une classification rigoureuse et illustrée (comme pour le frêne commun).

Un groupe d’étudiants du Smith College de Northhampton (plus grande université pour femmes des USA selon Wikipédia) nous propose, en anglais, le bilan de leurs recherches sur la phyllotaxie avec des applets (malheureusement inactives) et une galerie interactive mettant en évidence les termes de la suite de Fibonacci dans certaines structures végétales.

Au-delà de l’étude de ces formes générées par le développement naturel des êtres vivants, Turing avait orienté une partie de ses recherches, à la fin de sa vie, sur les mécanismes qui les avaient fait émerger : la morphogenèse. Interstices consacre un article à la présence des symétries dans la construction de motifs végétaux ou animaliers.

Un blog de l’académie de Poitiers est consacré au « Projet Turing », recensant, dans une approche multidisciplinaire, un grand nombre des champs d’études de ce scientifique ; on peut y écouter des enregistrements de conférence dont une dédiée à la morphogenèse (« Des marguerites à l’ordinateur »). Enfin, Images des maths nous permet, en deux parties, de comprendre l’essentiel de ce domaine d’études, à travers des explications mathématiques assez précises, mêlant équations différentielles pour la première partie et géométrie dans un plan hyperbolique pour la deuxième. Le propos est scientifique, mais se veut abordable.

Dans le même ordre d’idées, on pourra s’intéresser aux travaux d’un autre grand nom de l’informatique, contemporain de Turing, John Von Neumann, qui a beaucoup contribué à la théorie des automates cellulaires, à la croisée des mathématiques et de l’informatique. L’une des approches les plus accessibles de cette théorie repose dans l’étude du Jeu de la Vie de John Conway, évoquée dans le lien ci-avant. Science étonnante, chaîne Youtube assez connue, est aussi un blog qui nous propose de fabriquer, à la main pour les plus patients, son automate cellulaire . Quelques modifications dans les règles de construction et le résultat final change d’aspect. L’ENSIP, école d’ingénieurs de Poitiers, met à disposition du code Python pour programmer des automates cellulaires. TangenteX, consacré à la « physique numérique », évoque quelques applications des automates cellulaires à la physique et livre un programme Python complet pour jouer au jeu de la vie. Pour compléter ses connaissances par des résultats plus encyclopédiques, on consultera cet article, qui nous propose des automates dans l’espace et donne des ouvertures sur la modélisation des motifs de certains coquillages ou du trafic routier.

Plus confidentiels et moins utiles, les biomorphes sont construits comme des fr actales, sur la base de suites de complexes, mais donnent des figures non nécessairement récursives et qui ne sont pas sans rappeler les représentations d’organismes monocellulaires. Sur ce sujet, les moteurs de recherches peuvent renvoyer sur des sites spécialisés dans les univers fantastiques voir ésotériques. Découverts par Clifford Pickover (voir le wiki), ces figures particulières sont ce qu’on appelle des tiges de ramassage de certaines fractales, des détails inattendus. Jean-Louis Seichepine, de l’Université Technologique de Belfort Montbéliard a construit tout un site sur le thème, riche de nombreuses réalisations, fruit de travaux d’étudiants. On y trouve aussi une application pour créer en ligne son biomorphe ou le logiciel Qbiom. Enfin, le biomorphisme fut aussi un thème d’étude pour certains artistes surréalistes comme Hans Arp ou Salvador Dali, à la recherche de formes « biologiques » dans la réalisation de leurs œuvres.

(« Partie de pêche » dans « Pour la science » 143)

gilles.waehren@wanadoo.fr

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